    

par Yan
Transcient City, alias
T-City, entre Chicago et New York, construite au milieu du XXIème
siècle pour être un noeud autoroutier. Aujourd'hui, c'est juste 10
étages de civilisation entassée et 80km de voies bétonnées. Les plus
dangereuses du pays. Cette ville est un cauchemar écologique et social.
Le plus haut taux de pollution, le plus haut taux de criminalité. S'ils
avaient pu, les Etats Unis auraient donné son indépendance à cette
ville-abattoir, rien que pour avoir la paix. Mais de toute façon,
personne ne réclame quoi que ce soit à TC.
T-City, règle #1 : Conduit agressivement.
Il cabra son engin et coinça la poignée pour accélérer sans
discontinuer. Il avait 100m à refaire sur les abrutis qu'il chassait.
La vitesse aurait rapidement dû le rendre incapable de piloter, et
pourtant il filait, slalomant entre les voitures comme s'il les voyait
à l'avance.
50m.. 25... 5... Ils allaient payer.
Arrivé à hauteur du premier motard, il leva un de ses bras métalliques,
l'empoigna par le col du blouson, et le souleva. Surpris de ne plus
avoir les fesses posées sur la selle, l'autre lâcha sa bécane qui alla
s'encastrer dans la devanture d'un magasin pourri dont les vitres
peintes en blanc affichaient "A Vendre". Le motard hurla, et l'homme
métallique l'envoya valser dans les ordures. Le choc lui brisa la
plupart des os. L'homme s'approchait déjà du second motard.
Le type se retourna, gueula une insulte incompréhensible, et se prit un
poing de métal hérissé de pointes de carbone dans la tronche. Il
accompagna sa moto dans une voiture garée là qui n'avait rien demandé.
Le tout explosa et l'homme sorti des flammes avec une lueur
rouge sang dans yeux. Le dernier motard sacrifia la semelle de sa botte
pour prendre un virage hyper serré, mais c'était déjà trop tard, son
poursuivant fondait sur lui et il percuta sur le flanc la moto du
fuyard, qui fut coupée nette, laissa son pilote s'accrocher péniblement
à la calendre de l'engin de l'homme métallique, les jambes ravagées par
le bitume de la chaussée.
Un brusque coup de frein envoya le loubard dans un mur. Le synthésoïde avait calculé son coup avec une précision sans faille. Le
motard n'était pas mort, il le regardait, assis sur un trottoir
défoncé, le dos enfoncé d'une dizaine de centimètres dans les briques
du mur, sa lèvre inférieure tremblait. Pauvre mec, on aurait dit
qu'il allait pleurer.
L'homme laissa son engin au milieu de la route et s'approcha
du loubard. Le type ne l'avait encore jamais vu en entier. Il n'avait
pas l'air spécialement balèze, et il semblait glissé dans une
combinaison intégrale de carbone noir qui couvrait et épousait la
totalité de son corps, tête comprise, à l'exception de ses doigts,
couleur acier, comme s'il avait cinq lames à chaque main. Mais ce
n'était pas ça qui effrayait le motard. Non, c'était son visage. Un
visage dont on pouvait deviner les traits sous la couche de carbone. Il
avait la tête d'un squelette, et une lumière rouge sang brillait à
l'intérieur des orbites vides du crâne noir. Parfois, ses dents
s'éclaircissaient, prenant la couleur de l'acier, comme si le crâne
souriait. Il parla enfin :
- Vide ton sac... Qui a payé pour buter Len Kaminsky ?
Le loubard ouvrit la bouche, suffoqua, et cracha du sang.
- P... Pitié... Me tue pas...
- Parle, qui m'a tué ?
Les yeux écarquillés, le loubard bredouilla :
- Jesper... Il a signé le contrat... Je sais rien d'autre...
Les lueurs rouges au fond des yeux du synthésoïde
s'enflammèrent. Il brisa le crâne du motard entre ses doigts, et
enfourcha son engin. Direction Little Babylon.
La mémoire de silice du fantôme d'acier et de carbone n'avait rien
oublié. Jesper, il l'avait rencontré deux jours plus tôt, enfin, Len
Kaminsky l'avait rencontré.
Avec 500Go de données dans son implant, données dont il ne connaissait
pas la teneur, il s'était fait courser par Jesper et ses tueurs. Avec
deux potes du gang des Red Ghosts, il avait piraté un serveur ce matin
là, et voler des données. Ils allaient les décryptés quand Jesper leur
tomba dessus. Ses amis furent abattus, et Len s'enfuit, la bande des
tarés de Jesper après lui.
Les données volées devaient avoir de la valeur pour que quelqu'un aille
si vite à engager une bande de tueurs pour chasser trois petits
cyberpirates. Parce que Jesper accepte n'importe quel bouleau, mais
demande le prix fort.
Kaminsky fonçait à travers la ville sur sa moto, des balles de
plastique fusaient autour de lui, abattaient des passants, trouaient
les vitrines.
- Visez pas la tête ! On veut son implant !
Il prit une balle dans l'épaule. Les balles de plastique sont creuses,
et dedans, on met des neurotoxines. Il devait se dépêcher. Il s'élança
alors des bas fonds bétonnés vers les hauteurs de la ville et leurs
routes d'aluminium. Le "Milieu", classe sociale intermédiaire. Il
comptait les semer dans les ruelles de Small Town, un quartier
résidentiel plus haut que large, prenant les rues à contre-sens, et
c'est là que le monde vola en éclat.
Les toxines qui étaient entrées par son épaules s'attaquaient
maintenant à son cerveau. Il voyait double, format cinémascope, avec
des couleurs comme à la fin des années 60. Les hippies faisaient la
fête dans son crâne, 100 piges après leur disparition.
Il s'écroula au milieu de la rue, sa moto continua seule sur quelques
mètres. Les hommes de Jesper passèrent Kaminsky à tabac un moment, pour
le fun, et leur patron arriva.
- Un seul morceau les gars, on a besoin d'sa tête.
Kaminsky avait beau être complètement drogué et ne pas sentir la
douleur, il avait le goût de sang dans la bouche. Ses yeux voyaient un
halo multicolore à la place de la gueule de tueur de Jesper. Ce type
avait dû être black dans une autre vie. Maintenant, il était en
ferraille, avec des rastas sur la moitié gauche du crâne. Sur l'autre,
un enchevêtrement de câbles.
Il fit asseoir sa proie près d'une borne cyberspatiale, le brancha, et
lui vida la tête. Entièrement, pas juste les données qu'il avait à
récupérer. Tout. Kaminsky était mort, et son âme flottait quelque part,
perdue entre les lignes de code du monde virtuel.
Fusion totale dans le cyberespace, sans firewall. Il n'aurait jamais
pensé qu'un être entièrement virtuel puisse ressentir, et pourtant. Il
en était devenu un en quelques nanosecondes et filait à la vitesse du
son entre les programmes de la borne, entrait dans toutes les bases des
données du cyberespace, devenait multiple. Pire qu'une explosion
thermonucléaire, le Big Bang en direct.
Et puis...
Plus rien...
Un bruit de machine. Un courant électrique. Une voix synthétique.
Récupération terminée
Un corps réapparut dans le cyberespace.
Celui qui était Len Kaminsky regarda autour de lui. Rien. Du blanc. Au
dessus, en dessous, sur les côtés. Un cube vide. Un électron avec la
mémoire d'un homme.
- Je...
Dans une dimension qui n'a ni ombre, ni substance.
Un refuge caché dans les interlignes du cyberespace où vivent des IA
pures et libérées des contingences humaines. Un endroit sans nom.
Nous nous appelons Phantom.
- Quel trip...
Indexation mémoire. Réponse à simulation de
stimulus.
- Je...
Physiquement, oui. Mais nous avons gardé votre
logiciel, votre... conscience.
- Ca ne me dérange pas... Mais pourquoi ?
Proposition
- Je suis tout ouïe...
Notre existence est conditionnée par la
technologie. La technologie est conditionnée par la société. Et votre
société conduit au chaos. Votre société a un virus. Nous voulons faire
de toi un agent anti-viral.
- Un ordi écolo ?.... Désolé, mais dehors, c'est une armée qu'il faut.
Pas de guerre. Nous n'existons pas. Nous sommes un
symbole. Nous voulons un symbole. Les qualités qui t'ont valu de mourir
font de toi le candidat idéal.
- J'ai déjà donné. Je sais pas rendre les coups.
Les mortels te craindront. Si nous te renvoyons
avec des pouvoirs inconnus des humains, accepteras-tu ?
- Wai.
Le cube blanc dans lequel flottait Len s'embrasa, et il vit dans les
flammes les vestiges d'une usine automatisée. Les assembleurs se mirent
en marche, et utilisèrent leurs propres structures de silicone et
d'aluminium pour modeler un corps. Son corps. Ils le couvrirent de
carbone, de fibres optiques, et lui implantèrent assez d'artillerie
pour rendre coup pour coup.
Puis ils se turent.
Les doigts metalliques de Len touchèrent le squelettique visage de
carbone que les machines lui avaient offert. Sans chair pour le
recouvrir, nul n'aurait pu le voir, mais il souriait.
- Jesper...
Little Babylon, fief de Jesper et de sa bande de tueurs, dealers de
Symphony, une drogue de synthèse fatale une fois sur deux dès la
première injection.
- Où est-il ?
La voix synthétique du monstre de métal qui tenait le crâne couvert de
sang de son pote entre ses doigts fit paniquer le garde encore un peu
plus. Sa main tremblait comme la branche d'un arbrisseau un jour de
tempête alors qu'il indiquait la direction du sud. Il mit cinq bonnes
minutes à bredouiller "Rampe 4" et termina sa carrière de malfrat avec
la mâchoire à la place du cerveau.
L'homme métallique fit environ 200m, et arriva près d'un camp. Des
caravanes sur un coin d'herbe, et des motos appuyées sur toutes les
carlingues.
- T'as entendu ?
Un petit black chauve empoigna une barre à mine et regarda
frénétiquement autour de lui. Quand le grand chevelu et les deux rastas
avec qui il jouait au poker levèrent la tête, ce fut pour voir le petit
chauve flotter à 2m du sol avec un bras transparent couvert de sang en
travers du bide.
- NOM DE...
Le premier rasta sorti un automatique et reçu le petit chauve de plein
fouet avant d'avoir pu s'en servir. Les deux autres restaient là, figés
devant une étrange nappe de fumée qui ne ressemblait pas à de la fumée
et qui prenait peu à peu forme humaine.
- Jesper est là ?
- T'as rendez-vous, connard ? répondit l'autre rasta en arquant le bras
pour balancer un formidable coup de barre à mine à la tempe de l'espèce
de cyborg qui venait d'apparaître.
Le synthésoïde ne broncha pas et la barre se tordit autour de son
crâne.
- Tu n'as pas écouté...
Il saisit la barre à mine à une vitesse phénoménale et l'enfonça à
travers l'épaule gauche du rasta comme s'il s'agissait d'une épée.
- Deuxième fois... Jesper... Où ?
Une salve de balles de plastique s'écrasa dans le dos de l'homme
machine. Le chevelu avait sorti une mitrailleuse apparemment artisanale
et d'autres gars armés d'automatiques du même genre s'approchaient en
canardant. Le rasta qui avait une barre à mine dans l'épaule prit une
balle dans la tête et d'autres ricochèrent sur Kaminsky.
Le coups de feux s'arrêtèrent un instant et les loubards en profitèrent
pour essayer d'identifier leur cible.
- C'est quoi, ce truc ?
L'homme métallique bougea alors à une vitesse incroyable et empala
trois types de rang avec son bras qu'il avait transformé en pieu. Même
s'il n'en avait pas besoin, il utilisa les trois cadavres à son bras
comme bouclier et, empoignant le flingue d'un des types de la même
main, explosa les rotules d'un quatrième.
- JESPEEEEEERRR !!!
Une balle d'un calibre différent se fracassa à l'arrière du crâne du
cyborg.
- Tu sais pas à qui tu t'attaques ! Ca va t'coûter cher !!
Jesper. Kaminsky envoya valser ses boucliers et fila en direction de
son bourreau, l'empoignant par la gorge avant qu'il ai pu faire le
moindre mouvement.
- Ecoute bien la question. Je la répèterai pas. Qui a payé pour buter
les Red Ghosts ?
Jesper eut du mal à répondre.
- Quoi ? T'es venu... pour ces abrutis ?
La lueur rouge au fond des orbites de l'homme metallique forcit.
- D-Gital !... C'est... D-Gital !
Kaminsky lâcha prise et tourna le dos au demi-rasta.
- D... Tiens donc...
Jesper suffoquait au sol, essayant de se relever.
- J't'ai répondu... Tu veux quoi d'autre ?
L'homme en noir se retourna. De sa main il avait fait une
impressionnante lame. La lueur de sang de ses yeux se fit brûlante, et
une croix toute aussi rouge apparu sur son torse.
- Me venger.
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