    

par Shala
Une
ruelle sans issue de Hell's Kitchen, vers trois heures du matin. Une
fois encore, il semblerait que les habitants du coin ne dormiront pas
sur leurs deux oreilles cette nuit. Les girophares, les petites
banderolles jaunes et la mini foule qui se tient derrière; il y a
encore eu un meurtre. Habituellement la foule est lassée de ces
tueries, mais ce meurtre-ci est différent. Il est particulièrement
sanglant, et il a été signé...
Pendant que des policiers en uniforme retiennent la foule derrière les
banderolles, deux autres agents en civil se tiennent près du corps.
Enfin, plutôt un, car l'autre est en train de remettre ses tripes
derrière une poubelle.
- Tu vas survivre Johns?
- Ca te fait rien à toi?
- J'vomirai en rentrant chez moi, j'ai pas envie de salir là...
- Très drôle... Bon, de toute évidence c'est encore lui... Il va donc
falloir appeler l'inspecteur Baltimore.
- C'est déjà fait, l'est en route. Tiens d'ailleurs y a quelque chose
qui me dit que cette lumière qui arrive à toute allure, c'est
l'inspecteur...
Le bruit du moteur de la Ducatti vient réveiller le peu de personnes
qui dormaient encore dans les environs, et par une manoeuvre faussement
maladroite, le pilote arrête l'engin au milieu de la foule qui n'a pas
d'autre choix que de s'écarter.
Lorsque la motarde ôte son casque, la foule la fixe d'un drôle d'air.
Que fout une motarde givrée à trois heures du mat devant une scène de
crime? Elle crache son bâton de sucette par terre et sort son insigne
de dessous son pull. Elle fait le même regard ébêté que les gens qui la
fixent, puis reprend un air sérieux.
- Allez la populace, on circule...
Elle fouille ensuite dans sa poche et en retire une nouvelle sucette.
Sans attendre elle ôte l'emballage et prend la sucette en bouche. Elle
passe la banderolle de sécurité et se dirige vers les deux agents en
civil.
- Désolé de t'avoir réveillé Puce.
- Tu sais bien que je ne dormais pas Jake. On a une quatrième victime?
- Oui, Jeremy Edwards, le chef du gang des "diables rouges".
- Ah oui je vois, les crétins qui s'amusent à braquer des commerces
avec des masques de diablotin.
Sans attendre l'affirmation de Jake, Puce se rapproche du cadavre.
Johns en profite pour demander à Jake:
- "Puce"?
- Capucine de son vrai prénom, mais ne l'appelle pas comme ça, ça la
fout en rogne.
- Ah...
Le cadavre est dans un piteux état. Le corps est entièrement
déchiqueté, plus aucun membre ne tient au buste. Un bibelot indien est
posé sur ce qui reste de la poitrine de la victime, et avec son sang un
symbole a été fait sur le mur, un symbole bien connu.
- Même modus operandi qu'avec les victimes précédentes. Le tueur s'est
acharné sur sa victime comme une bête sauvage, et avant de partir il a
laissé un bibelot et la marque de Requiem.
- A vous entendre, Requiem ne serait pas l'assassin? demande Johns
- Il fait bien sûr partie des suspects, mais les preuves trop évidentes
moi je m'en méfie.
- C'est pourtant typique de Requiem! Un bandit assez activement
recherché, ce sont ses cibles favorites. OK depuis qu'il est là la
grosse criminalité a fortement baissé, mais ce type n'en reste pas
moins un dangereux assassin. Et depuis quelques jours il est apparement
carrément devenu un putain de psychopathe! Vous ne me ferez jamais
croire que c'est quelqu'un d'autre qui a fait le coup.
- C'est sans doute pour ça que vous n'êtes pas inspecteur, Johns...
Bon, quand les gars de la scientifique auront fini leurs photos vous
m'emballez tout ça direction la morgue. Et j'veux le rapport du legiste
le plus rapidement possible, bien que je suis sûre qu'il va me rabâcher
les mêmes conneries que pour les trois précédents. Moi j'emporte la
babiole que notre fou furieux nous a laissé au poste, on se retrouve
là-bas.
- D'accord Puce, on se revoit plus tard. dit Jake
Puce demande à un photographe de la police scientifique de se dépêcher
de photographier le bibelot indien pour qu'elle puisse l'emporter. Une
fois la photo faite, elle met l'objet dans un sachet plastique spécial
pièces à conviction et met tout ça dans sa moto. Elle enfourche sa
bécane, fait un demi-tour en burnout et repart aussi bruyamment qu'elle
est venue.
Quelques heures plus tard, au commissariat. Le soleil commence à
pointer le bout de son nez, Puce elle n'a pas décollé le regard des
différents dossiers, rapports et autres photos des trois précédentes
victimes. Quelque chose ne colle pas, mais elle n'arrive pas à
comprendre pourquoi. Requiem ne s'acharnait jamais sur ses victimes, du
moins pas de cette façon. Ici c'est purement bestial, ça ne correspond
pas au style de Requiem. Et puis les bibelots indiens que le tueur
laisse à chaque fois, ça non plus ça n'a pas de sens. Les pensées de
l'inspecteur sont interrompues par un dossier qui vient se poser sur
son bureau.
- Les photos et le rapport du légiste, dit Jake. J'te dit pas la
tronche qu'avait le légiste, il était ravi d'avoir été réveillé à
quatre heures du mat alors qu'il avait fini son service à minuit.
- C'est pas mon problème, il n'avait qu'à être légiste dans une
bourgade perdue du Delaware si il ne voulait pas être trop bousculé
dans ses petites habitudes.
- T'es un peu dure là, contrairement à toi il existe des gens qui ont
besoin de sommeil tu sais.
Puce ne réagit plus à ce genre de remarques venant de la part de Jake,
elle le connait bien et sait que ses remarques sont tout sauf
sérieuses. Elle se contente de sourire et examine le rapport du légiste.
- Je m'en doutais, rien de nouveau par rapport aux autres victimes, le
tueur s'est acharné avec une force surhumaine, et a utilisé des objets
petits et tranchants comme arme, sans doute des griffes.
- Et on sait que Requiem a une force surhumaine et qu'il peut
transformer ses doigts en griffes. Rappelle-toi la video-surveilance
dans les entrepôts de j'sais plus quel mafieu qu'il a trucidé...
- Certes, mais tu oublies les babioles que le tueur laisse à chaque
fois, quel rapport avec notre ami tout de noir vétu?
- J'en sais rien, mais ne t'éloigne pas trop de l'hypothèse Requiem
tout de même... N'oublie pas que tes intuitions t'on fait perdre ta
précédente affaire, celle avec les cadavres "sechés".
- Vidés Jake, ils étaient vidés de l'intérieur. J'y peux rien si mon
rapport n'a pas plu à Calahan.
- Tu expliquais que ces morts étaient dues à des pouvoirs surnaturels
ayant un rapport avec l'ésothérisme, tu m'étonnes que ça lui ait pas
plu.
- Tu te rappelles le symbole sur le mur près de la première victime?
C'était un symbole ésothérique, j'en mettrais ma main à couper.
- De nos jours on appelle ça un graffiti Puce...
- Laisse tomber.
Puce a l'air songeuse en regadant les quatre bibelots sur son bureaux,
Jake quant à lui vient d'avoir un éclair de génie.
- Bouge pas! Je reviens tout de suite.
Après cinq minutes, il revient, une bout de papier en main. Il le donne
à Puce.
- Qu'est ce que c'est?
- L'adresse de la boutique de Tinte Whiterspoon. Elle nous a aidé à
l'époque où je travaillais avec Simmons sur un tueur en série bien
barge qui laissait aussi des objets mystiques sur ses victimes. Y a pas
plus calée qu'elle en objets soi-disant magiques. Avec un peu de
chances elle t'aidera à avancer.
- Jake, tu es génial.
Puce prend les quatre bibelots et se dirige vers la sortie.
- Et ben alors? J'ai pas droit à un bisou de remerciement?
- Quand cette piste aura abouti Jake...
- Tricheuse...
Boutique de Quin, vers huit heures du matin. Quin a toujours pour
habitude d'ouvrir très tôt et de fermer assez tard. Il n'a rien d'autre
que cette boutique dans la vie, et ça lui convient très bien.
Pendant qu'il range quelques nouveaux articles, Steve est dans le
fauteuil de l'arrière boutique en train de s'amuser à modifier la forme
de son bras.
- Regarde un peu Quin...
Quin regarde en direction de Steve et voit trois griffes noires
prolongeant le poing tout aussi noir du communicant.
- Tu sais, je crois qu'il y a un copyright sur ça man.
- Wai je sais. C'était juste pour tester.
Steve fait revenir son bras noir à la normale, et rejoint Quin.
- C'est quoi ces horreurs?
- Hé surveille ton langage man, ce sont des statuettes sacrées de la
tribu Wakatipitchu, une ancienne tribu Maya.
- Wakatipitchu...
- Wai enfin quelque chose dans ce style, j'ai toujours du mal avec les
noms de tribu.
- Ben voyons.
- Puisque t'es là man, au lieu de te foutre de ma gueule, continue de
les ranger sur cette étagère pendant que j'vais au p'tit coin.
Au moment où Steve commence à aligner les statuettes sur l'étagère,
Puce fait son entrée dans la boutique. Elle se dirige vers Steve et lui
demande:
- Salut, je cherche...
- Je vous coupe tout de suite, je ne suis pas le gérant. Il est occupé,
il va arriver d'une minute à l'autre.
- Oh, très bien. J'attends...
Sucette en bouche, Puce s'appuie sur le comptoir et observe Steve de
haut en bas. Elle reste bloquée sur son regard de sang et reste
songeuse.
- On ne se serait pas déjà vu?
- Pas dans cette vie en tout cas.
- J'oublie rarement un visage, et le vôtre me dit vaguement quelque
chose.
- Vous devez faire erreur.
Quin revient alors et flashe complètement sur Puce. Il coupe court à
leur conversation et se place devant l'inspecteur.
- Bienvenue chez Quin white sistah, j'peux faire quelque chose pour
votre service?
- J'espère bien bonhomme, je cherche Tinte Whiterspoon.
- Et qui la demande?
- Puce Baltimore, police criminelle.
- Oh. C'est bête, vous l'avez ratée, de quelques mois. Ma très chère
tante est passée de l'autre côté.
- Toutes mes condoléances.
- C'est la vie. C'était à quel sujet?
- Quoi?
- Ma tante, vous vouliez la voir pour quelle raison?
- Rien d'important, je voulais lui poser des questions à propos de
quelques objets.
- Vous vouliez qu'elle vous aide hein? Ca fait un bail qu'un flic n'est
plus venu lui demander de l'aide. Y en avait un qui revenait souvent la
voir, un certain Simone si mes souvenirs sont bons...
- Simmons.
- Wai voilà, un pote à vous?
- Pas vraiment non, enfin soit. Désolée de vous avoir dérangé.
- Faites voir.
- Voir quoi?
- Ben les objets que vous vouliez montrer à Tinte!
- Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.
- Vous n'avez pas confiance?
- Franchement? Non.
- Vous pouvez lui faire confiance, dit Steve. Il est aussi doué que sa
tante, si pas plus.
Puce ne sait pas trop quoi penser. Quin a un look plus ou moins
étrange, il ne lui semble pas assez sérieux. Mais comme elle n'a pas
d'autre piste, elle décide de le laisser examiner les bibelots. Avant
de poser le regard sur ces objets, Quin fixe Puce d'un drôle d'air.
- Qu'est ce que tu regardes?
- Dans votre bouche, c'est...?
- Une sucette, oui. C'est super bon, demande à Kojak.
Quin rigole suite à la remarque de Puce, mais dès qu'il pose le regard
sur les bibelots, son regard change.
- Où vous avez trouvé ça?
- Sur des scènes de crimes. T'as pas besoin d'en savoir plus. Pourquoi?
Tu sais ce que c'est?
- Ce sont des instruments shamaniques, utilisés par les shamanes de la
tribu... D'une tribu indienne dont le nom m'échappe.
- J'ai besoin que tu me trouves le nom de cette tribu le plus
rapidement possible.
- J'vous préviens white sista, si le gars qui a laissé ces objets est
un meurtrier, vous risquez gros. Ce genre de shaman est dangereux, très
dangereux.
- C'est censé me faire peur?
- Vous devriez avoir peur, les pouvoirs des shamans sont réels.
- Je veux bien te croire, mais c'est pas ça qui va m'arrêter. Je dois
retrouver ce type avant qu'il ne fasse d'autres victimes. Dépêche-toi
de retrouver le nom de sa tribu, c'est important.
- Je vais faire de mon mieux, mais ça risque de prendre du temps. Soyez
prudente, il serait dommage qu'il arrive malheur à une belle sistah
comme vous.
- Voilà ma carte, tu m'appelles dès que tu as trouvé d'accord?
- Tout ce que vous voulez white sistah.
Puce reprend les bibelots, salue Steve et quitte la boutique. Quin est
tout sourire.
- J'peux savoir ce qui te fait sourire?
- T'as vu? Elle m'a donné son numéro!
- ...
Une heure de l'après midi, au commissariat. Puce est en train de
terminer son sandwich lorsque Johns et Jake débarquent.
- Alors, elle a donné quelque chose ma piste?
- Peut être bien, le neveu Whiterspoon m'a dit que ce sont des
instruments shamaniques, il est en train de chercher de quelle tribu ça
vient exactement.
- Le neveu? Tinte n'était pas là?
- Elle est décédée Jake, il y a quelques mois.
- Ah ben merde alors... Elle avait pas l'air trop mal en point la
dernière fois que je l'ai vue pourtant.
- Qu'est ce que tu veux que je te dise? Ca a donné quoi votre petite
escapade chez les diables rouges?
- Les pauvres croyaient leur chef intouchable, ils sont tombés de haut
en apprenant la nouvelle. Ils ne savent rien.
- Je m'en doutais.
- C'est curieux, toute cette affaire me rappelle une histoire de mon
grand père, dit Johns... C'était à l'époque où il venait d'entrer à la
police, autrement vers la fin de la prohibition. Il y avait plusieurs
mafias qui se tiraient dans les pattes, dont une particulièrement
redoutée. Non pas à cause de son boss, mais à cause de son homme de
main. Les gens l'appelaient "serre d'aigle" ou "serre d'acier" je sais
plus trop. Ce gars, au lieu de flinguer ses victimes comme n'importe
quel tueur à gage; il les lascérait avec des gants munis de griffes sur
chaque doigt. Apparement il y prenait un plaisir sadique... Pas la
peine de vous dire que quand ils l'ont choppé il a eu droit à la chaise
direct.
- Il était indien ton gars?
- Quoi? Non, bien sûr que non, c'est juste que la façon dont les morts
sont mutilés, ça m'a fait penser à cette histoire.
- Passionnant. Bon je vais me chercher un café. Quelqu'un veut quelque
chose de la machine?
- Un chocolat chaud pour moi Puce, dit Jake.
- Rien pour moi, merci.
Ca va faire plus de dix minutes que Puce est partie, et ça inquiète
Jake. Il décide donc de se rendre près des machines à boissons. Le
commissariat n'ayant pas de salle de repos, les machines à boissons
sont dans un couloir proche des bureaux. Lorsque Jake arrive sur place,
il ne trouve personne. Son chocolat chaud est prêt, et attend encore
dans la machine. En face des machines sont placardés divers articles de
journaux et des avis de recherches. Jake y jette un coup d'oeil et
constate que l'un d'entre eux a été arraché.
- Bon sang Puce, qu'est ce que t'es encore allé foutre?
La culture indienne n'est pas vraiment la tasse de thé de Quin. Pour
trouver ce fameux nom de Tribu, il a dû sortir des bouquins auquels il
n'a touché qu'une seule fois, voir pas du tout. Il s'est mis au travail
dès que Puce est partie et est toujours occupé. Il a déjà sorti
quelques noms, mais rien de vraiment sûr à cent pour cent.
Quin entend la porte de sa boutique claquer, et sans décoller le nez de
ses bouquins, il crie:
- Hé doucement! Elle vous a rien fait c'te porte!
- Où est-il?
- Hein?
Quin lève la tête, et aperçoit une Puce trempée de la tête aux pieds, à
cause de la pluie torrentielle.
- Hé white sista! J'vous manque déjà? J'ai pas encore fini mes
recherches j'suis désolé...
- Où est-il?
- De qui vous parlez?
L'inspecteur sort un bout de papier de sa veste et le jette au dessus
des bouquins de Quin. Il s'agit d'un avis de recherche.
- Steve Graveson, le gars qui était ici tout à l'heure. Et ne tente
surtout pas de me mentir... dit-elle en sortant son beretta.
- Oh, lui. Il est sur le toit.
- Tu te fous de moi là? Qu'est ce qu'il foutrait sur un toit par un
temps pareil?
- Il médite. La pluie l'aide à se détendre.
- Conduis-moi au toit. Et pas de coups tordus, sinon c'est toi qui aura
une mauvaise surprise...
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